Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a annoncé la suspension des enquêtes en cours contre Apple, Meta et la plateforme X, propriété d’Elon Musk. Cette décision met momentanément fin aux procédures qui pouvaient entraîner des amendes massives allant jusqu’à 6% du chiffre d’affaires de ces entreprises.
Enjeux politiques et économiques autour de la régulation
Les enquêtes menées par les autorités européennes visaient à sanctionner des pratiques jugées anti-concurrentielles. Ces dernières années, Bruxelles avait intensifié ses démarches pour imposer de nouvelles règles, notamment à travers le Digital Markets Act (DMA). La mission de ce cadre législatif était claire : freiner les abus de position dominante exercés par les géants technologiques et promouvoir un environnement plus équitable pour les autres acteurs du marché.
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La présidente de la Commission, en mettant sur pause ces investigations, pourrait être accusée d’affaiblir cette dynamique régulatoire. En effet, plusieurs pays européens estiment que la fermeté face aux GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) est essentielle pour protéger la souveraineté numérique et garantir à leurs entreprises locales la possibilité de croître sans subir de concurrence déloyale.
L’influence politique internationale sur la décision européenne
Aucun acte politique de cette ampleur ne se fait sans considération des dynamiques géopolitiques. Selon certains analystes, la décision de suspendre les enquêtes pourrait être liée à une tentative d’améliorer les relations transatlantiques, particulièrement avec l’administration américaine et l’ancien président Donald Trump, dont le retour dans l’arène politique inquiète une partie de l’Europe. En outre, Alice Weidel, cheffe du parti d’extrême-droite allemand AfD, doit prochainement être interviewée par Elon Musk sur la plateforme X. Cela soulève des questions sur l’instrumentalisation potentielle de ces suspensions comme levier dans des négociations internationales.
D’autre part, certaines sources évoquent la menace palpable que représente une réduction ou une suspension de l’aide américaine à l’Ukraine, couplée à une hausse possible des droits de douane sur les produits européens. De telles mesures pourraient avoir des répercussions économiques significatives pour l’UE, donnant à comprendre pourquoi la Commission mise sur une approche plus conciliante avec les grandes entreprises américaines.
Réactions des États membres et des acteurs européens
Cette initiative ne passe pas inaperçue parmi les leaders européens. Jean-Noël Barrot, ministre français de la Transition numérique, a exprimé son mécontentement lors d’une déclaration publique le 8 janvier. Il a insisté sur la nécessité pour la Commission de faire preuve de la plus grande fermeté concernant les lois visant à protéger l’espace public numérique. Sinon, laisse entendre Barrot, les compétences de régulation pourraient revenir entre les mains des États membres.
Son discours trouve écho auprès de nombreux partisans d’une Europe plus souveraine et critique vis-à-vis des GAFAM. Emmanuel Macron, par exemple, bien qu’occupé à soutenir certaines initiatives entrepreneuriales américaines, n’a jamais caché son souhait de voir l’Europe affirmer davantage sa voix dans le secteur numérique.
Le Royaume-Uni, une régulation post-Brexit autonome
De l’autre côté de la Manche, le Royaume-Uni ne reste pas passif. Faisant usage de ses nouvelles prérogatives post-Brexit, la Competition and Markets Authority (CMA) britannique a récemment lancé des enquêtes indépendantes contre Apple et Google, accentuant ainsi ses efforts pour limiter les pratiques monopolistiques de ces géants tech.
Ces enquêtes s’inscrivent dans un contexte où Londres désire prouver sa capacité à continuer à jouer un rôle de régulateur strict mais juste, malgré sa sortie de l’Union européenne. Dans cette optique, la CMA a vu ses pouvoirs nettement élargis, incluant une autorité pour étiqueter certaines entreprises comme ayant un « Statut de marché stratégique » similaire à la catégorie créée par le DMA européen.
À court terme, la suspension des enquêtes de l’UE éloigne la possibilité d’amendes colossales pour Apple, Meta et X. Cependant, cette pause pourrait aussi servir à redéfinir les termes du débat sur la régulation numérique. Les États membres, frustrés par un manque de progrès, pourraient augmenter leur pression sur la Commission.
En parallèle, des initiatives locales, comme celles vues au Royaume-Uni, pourraient devenir plus courantes. Si tel est le cas, une fragmentation réglementaire serait envisageable, chaque pays cherchant à établir ses propres normes en réponse aux capacités perçues de l’UE à gérer efficacement ces enjeux à l’échelle continentale.