Des leaders technologiques et des organisations à but non lucratif entreprennent une initiative audacieuse pour garantir que ces plateformes restent indépendantes des influences mercantiles. La campagne « Free Our Feeds », soutenue notamment par la Mozilla Foundation, ambitionne de créer une nouvelle infrastructure sociale basée sur le protocole AT, un projet qui pourrait transformer fondamentalement notre interaction avec les réseaux sociaux.
Une initiative pour assurer l’indépendance technologique des réseaux sociaux
Lundi 13 janvier, une annonce importante a été faite par les organisateurs de la campagne « Free Our Feeds ». Leur objectif est de lever initialement 4 millions de dollars dans le cadre d’une collecte de fonds plus large visant 30 millions de dollars sur trois ans. Ces fonds seront utilisés pour établir une fondation indépendante dédiée à soutenir le protocole AT, une technologie open-source permettant la création de réseaux sociaux interopérables.
Inscrivez-vous à la newsletter
En vous inscrivant vous acceptez notre politique de protection des données personnelles.
Nabiha Syed, directrice exécutive de la Mozilla Foundation, explique que cette initiative permettrait de maintenir les réseaux sociaux en dehors du contrôle de grands investisseurs et de capital-risqueurs. Ce mouvement intervient après que plusieurs événements ont mis en lumière la vulnérabilité des plateformes commerciales face aux intérêts financiers, illustrée récemment par l’acquisition de Twitter par Elon Musk.
La mise en place d’une structure décentralisée résiliente
Selon les initiateurs de « Free Our Feeds », le principal avantage du protocole AT est qu’il offre une flexibilité inédite, similaire à l’architecture ouverte du Web. Cela permettrait aux développeurs de construire différents réseaux sociaux sur une base commune tout en offrant aux utilisateurs la possibilité de conserver leurs données et contacts lorsqu’ils migrent d’un service à un autre. L’objectif est de préparer un relais indépendant capable de stocker les contenus, assurant ainsi l’accès continu même si Bluesky – l’une des principales plateformes utilisant ce protocole – venait à restreindre ses données.
L’initiative prévoit également l’embauche d’une équipe technique autonome qui travaillera en collaboration étroite avec les ingénieurs actuels de Bluesky pour mettre en place cette infrastructure, prévoyant une autonomie suffisante pour rester opérationnelle en cas d’évolution défavorable de Bluesky.
Des soutiens variés : de Mozilla à des personnalités influentes
Outre la Mozilla Foundation, la campagne reçoit le soutien de diverses autres figures du monde technologique et académique. Parmi les principaux promoteurs du projet, on retrouve Roger McNamee, ancien investisseur Facebook devenu critique des grandes plateformes technologiques, ainsi que Mallory Knodel de la Social Web Foundation. Le projet bénéficie aussi d’appuis inattendus tels que l’acteur Mark Ruffalo et Shoshana Zuboff, auteure reconnue pour son travail sur le capitalisme de surveillance.
Cette coalition hétéroclite s’organise autour d’un même idéal : un internet véritablement ouvert et éthique. En soutenant les initiatives décentralisées, ils visent à contrecarrer l’influence excessive des monopoles numériques. Un tel paradigme pourrait offrir une alternative saine face à la centralisation croissante observée chez des géants comme Meta (anciennement Facebook) et X (anciennement Twitter).
Un contexte propice au changement
Les récents bouleversements dans le domaine des réseaux sociaux ont effectivement créé une opportunité pour envisager des réformes structurelles profondes. La frustration grandissante des utilisateurs quant aux politiques de modération de contenu et à la gestion opaque des données personnelles alimente ce besoin de changement. Les événements entourant l’élection présidentielle américaine ont particulièrement souligné la volatilité d’un système trop concentré, où une seule décision peut affecter des millions d’utilisateurs.
En parallèle, des alternatives émergentes telles que Mastodon et Threads commencent à démontrer la viabilité de modèles plus démocratiques et participatifs. Cependant, ils manquent souvent de ressources financières nécessaires pour rivaliser avec les géants établis. C’est précisément là que « Free Our Feeds » entre en jeu, cherchant à combler ce fossé grâce à un financement conséquent et une gouvernance multipartite.
Vers un futur responsable et durable des médias sociaux
À travers cette initiative, Mozilla et ses partenaires souhaitent instaurer un précédent en matière de collaboration technologique à but non lucratif. Ils espèrent non seulement résister aux velléités monopolistiques mais aussi promouvoir une culture de transparence et de responsabilisation au sein de l’industrie des technologies de l’information.
Les défis ne manquent certes pas, surtout lorsqu’il s’agit d’équilibrer innovation technologique et contraintes économiques. Toutefois, le soutien croissant venant de divers horizons renforce l’idée que le public et les experts sont prêts pour un écosystème numérique plus équilibré. L’émulation suscitée par « Free Our Feeds » pourrait bien annoncer le début d’une ère nouvelle pour les réseaux sociaux, plus alignée avec les valeurs d’ouverture et de justice technologique.
Ainsi, cette campagne ne se contente pas de poser les jalons d’une infrastructure alternative; elle propose aussi un nouveau récit pour notre environnement digital, un narratif où la communauté et l’intérêt commun priment sur les profits individuels.